Templiers

 

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Sociologie templière à Campagne sur Aude au XIIIe siècle

Qui étaient les Templiers ?

 

« Les Templiers vivent sans avoir rien en propre, pas même leur volonté. Vêtus simplement et couverts de poussière, ils ont le visage brûlé des ardeurs du soleil, le regard fier et sévère : à l'approche du combat, ils s'arment de foi au-dedans et de fer au-dehors ; leurs armes sont leur unique parure, ils s'en servent avec courage dans les plus grands des périls, sans craindre le nombre ni la force des Barbares : toute leur confiance est dans le Dieu des armées ; et en combattant pour Sa cause, ils cherchent une victoire certaine ou une mort sainte et honorable. Ô l'heureux genre de vie, dans lequel on peut attendre la mort sans crainte, la désirer avec joie, et la recevoir avec assurance ! »

Saint Bernard de Clairvaux, De laude novæ militiæ (1130-1136).

 

            Les Templiers sont une création originale de la chrétienté médiévale : l'ordre religieux-militaire, dont le Temple fut le premier exemple et le modèle. Créé en 1120 par quelques chevaliers installés à Jérusalem pour incarner de manière durable les idéaux de la croisade, l'ordre du Temple s'est développé dans tout l'Occident, qui a constitué « sa base arrière nourricière » : les hommes, les ressources et les revenus de cet « arrière » lui permettaient d'accomplir ses missions sur le « front » : la Terre Sainte, l'Espagne de la « Reconquista », c'est à dire des terrains si ce n'est d'affrontement, du moins de coexistence avec l'islam. Riche, puissant, cet ordre a mené jusqu'au bout son combat pour Jérusalem, même après la chute d'Acre en 1291. Il est supprimé en 1312, victime d'un procès fabriqué par les soins du roi de France Philippe le Bel et de ses conseillers, dont Guillaume de Nogaret.

Bien souvent dans les diverses études, l'histoire des Templiers et de l'ordre du Temple se résume à l'histoire du procès. Parfois même quand on envisage l'ensemble de son histoire, connaissant la fin, l'historien est enclin à la présenter à travers le procès. Mais le procès n'est pas l'aboutissement logique et inévitable de l'histoire des Templiers. Ainsi intéressons-nous à l'aspect social de la question des Templiers.

Qui étaient ces hommes qui habitaient vraisemblablement notre village aux XIIe-XIIIe siècles ? Comment vivaient-ils ? Comment s'organisait leur quotidien autour du fort ? Tentons de dresser une sociologie templière qui nous permettra peut être de mieux imaginer ces hommes « en action », de mieux nous les figurer dans ces lieux dans lesquels, à notre tour, nous vivons. Allons donc à la rencontre du peuple Templier.

 

Le Temple, une grande famille hiérarchisée

            Tout est hiérarchisé, les personnes et les lieux. C'est au milieu du XIIe que les principaux caractères « internes » du Temple sont fixés : règles et privilèges sont codifiés ; sa double vocation, militaire et religieuse est définie et, le flot des donations en témoigne, comprise du peuple chrétien.

Qui est ce « peuple Templier » ?

            Seuls ceux qui ont fait profession en prononçant les trois vœux d'obéissance, de chasteté et de pauvreté peuvent se dire Templiers et c’est eux seuls que l’on doit appeler « frères du Temple ». Mais cette conception est étroite et réductrice et ne rend pas compte de la variété des situations. Élargissons ainsi la notion de peuple Templier à tous ceux qui, sans avoir prononcé les vœux, s'associent, ou sont associés, d'une manière ou d'une autre, à l'ordre, à ses bienfaits et à ses actions. Le cheval et l'habit étaient leur deux principaux attributs.

 

Le cheval

Le cheval est un des attributs les plus importants et des plus emblématiques du chevalier et du Templier aussi. De tout façon dans l'imaginaire collectif on n'imagine pas un Templier, un chevalier à pied. Dans la règle, les articles y faisant référence sont nombreux. Selon l'article 82, le cheval est le premier cadeau auquel pense un Templier lorsqu'il veut récompenser « un prud'homme du siècle, ami de la maison », venu en croisade et qui demeure quelque temps au service des États latins. Le cheval établit aussi de façon subtile la hiérarchie des dignitaires de l'ordre. Certes tous les membres ont droit à 4 montures, mais le maître possède en plus un cheval turcoman, cheval d'origine orientale, nerveux et fragile mais incomparable pour le combat.

 

L'habit

Attention, ce n'est pas le vêtement. Toute règle monastique décrit avec précision le vêtement des moines, et la règle du Temple ne fait pas exception. Il faut donc des vêtements ni trop longs ni trop courts, et assez simples pour que le chevalier puisse s'habiller sans l'aide d'un valet (humilité oblige) ; l'équipement doit être sans « superfluités » : pas de ces éperons d'or ou d'argent qui font la fierté des chevaliers du siècle. Cependant tout cela s'efface devant l'habit qui distingue le Templier du commun des mortels, mais aussi des autres religieux. L'habit c'est le manteau et l'insigne (la croix rouge) cousu sur l'épaule gauche. La remise du manteau fait du postulant un Templier ad vitam æternam. La perte de l'habit sanctionne lourdement des fautes graves. Lorsque, le 22 mars 1312, le pape Clément V supprime l'ordre du Temple, il supprime « l'ordre du Temple et son état, son habit et son nom »[1]. Le rouge est après le blanc et le noir, la troisième couleur du Temple. Ce sont, pour Michel Pastoureau, « les trois couleurs anthropologiques fondamentales qui traduisent des notions archétypales remontant au plus profond des activités humaines : non teint et propre (blanc), non teint et sale (noir), teint (rouge).

La croix est simple, une croix grecque le plus souvent, la forme n'a jamais été fixée, si bien que l'on trouve dans l'iconographie des croix potencées, des croix pattées ou des croix fleuronnées, même si les croix simples sont les plus nombreuses.

Enfin, les Templiers doivent porter l'habit partout, sauf dans la retraite de leur maison ; là ils portent une simple robe blanche, très comparable à celle du moine cistercien.

À la fin du XIIIe, sinon avant, il y eut quelque relâchement : certains Templiers et certains Hospitaliers sortaient « en civil » à Paris ; une ordonnance royale de 1290 menaça : s'ils ne portaient pas leurs habits, Templiers et Hospitaliers ne pourraient plus jouir des privilèges accordés à leurs ordres.

Une dernière remarque doit être faite concernant ce fameux et si emblématique habit : dans les représentations iconographiques contemporaines des Templiers, ceux ci ne sont jamais représentés en armure et en tenue purement militaire ; certes sur les pierres tombales ils sont ceints de leur épée. En revanche, ils ne portent pas le casque mais une sorte de coiffe, un chaperon. Comme si les Templiers avaient choisi un modèle de représentation permettant d'associer vie religieuse et vie militaire, mais en privilégiant la première.

Les Templiers appartiennent pour la plupart à un milieu privilégié : la petite et la moyenne noblesse.

Il y a ceux qui prient. Ce sont les chapelains, les seuls qui dans l'ordre sont ordonnés prêtres. Ils s'occupent du service divin et portent la tonsure et le manteau de couleur de bure.

Il y a ceux qui combattent et qui forment le couvent de l'ordre, c'est à dire l'unité combattante. Ce sont des chevaliers, des sergents d'armes. Une seule condition était imposée c'était d'être de condition libre.

Il y a ceux qui travaillent, et l'on peut supposer que c'est la majorité à Campagne ! Ce sont aussi des sergents, non pas des sergents d'armes mais des sergents de métier ou d'office. On les appelle les « frères de métier ». Ils gèrent le domaine et leur quotidien s'apparente à celui d'un paysan au Moyen-Âge. Les textes des procès en 1307-1311 nous révèlent des frères bouviers, porchers, forestiers. Peut-être trouve-t-on aussi à Campagne comme dans les grandes forteresses d'Orient ou d'Espagne des artisans comme des armuriers, des forgerons, des charpentiers.

Ces diverses catégories étaient réparties de manière différente dans le réseau Templier. Il y avait beaucoup de chevaliers et de sergents d'armes en Orient ou en Espagne sur les fronts de christianisation, beaucoup moins dans les campagnes, à l'arrière, où l'on retrouvait au contraire beaucoup plus de frères de métier. De plus, il devait y avoir un chapelain par maison ayant chapelle donc au moins un par commanderie.

Ainsi, si l'on doit résumer, on peut supposer que la société campenoise de l'époque se composait de frères chevaliers, au manteau blanc, de frères sergents d'armes, de frères de métier, d'un chapelain au manteau de bure, de quelques sœurs, d'associés temporaires ou permanents, d'hommes du Temple, libres ou serfs travaillant comme tenanciers sur les domaines du Temple. Voilà pour ce qui est de la famille templière à quoi il faut ajouter des personnes en rapport avec l'ordre comme des salariés agricoles, des artisans, leurs femmes et leurs enfants.

La commanderie

            C'est l'échelon de base de l'organisation templière. On distingue en Catalogne et en Aragon seulement des sous commanderies. La commanderie n'est pas un point unique, une maison ou un domaine précis. C'est une circonscription avec une maison mère ou un chef-lieu dans notre cas, Campagne sur Aude, et un certain nombre de maisons et domaines dépendants. Il serait réducteur donc de s'imaginer que la commanderie templière dont le siège se trouvait à Campagne ne recouvrait que le territoire du village actuel. La maison chef-lieu possède une chapelle.

            La vie quotidienne dans les commanderie d'Occident et plus particulièrement à Campagne sur Aude, avant la phase de persécution, se déroule paisiblement. Chaque personne, selon son rang, son statut, accomplit son travail, et a son propre rythme.

            Nous avons tenté de répondre à la question : Qui étaient les Templiers à Campagne sur Aude au XIIIe siècle ? Et ce finalement pas tant au niveau local qu'au niveau national. La vie d'une commanderie en Occident, les personnages qui l'habitaient ne devaient que très peu différer de ceux de la commanderie de Campagne sur Aude. Nous avons évoqué des considérations d'ordre général, qui se vérifient en Occident et avons tenté de les transposer à Campagne sur Aude pour faire revivre ces Templiers en esquissant une forme sociologique. En effet n'ayant pas encore eu l'occasion de nous plonger véritablement dans les sources dont nous disposons au niveau du village sur la question, il aurait été incorrect et abusif d'en dire plus sur ces hommes qui ont habité ces lieux si paisibles avant nous, ces Templiers, ces moines soldats sur les terres lointaines d'Orient, mais aussi ces architectes, agriculteurs et banquiers en Occident, hommes exceptionnels, dont le plus grand péché fut sans doute l'orgueil.

D’après Annabelle Marin, avec l’aide des ouvrages d’Alain Demurger.

 

[1]    Blanc comme symbole, ou plutôt emblème de la pureté, de la chasteté, de la conversion et du passage définitif dans la chevalerie du Christ. Mais le noir, le sombre, uni, est la couleur de l'humilité et de la pénitence, la couleur monastique, celle du moine clunisien. Blanc du manteau des chevaliers, noir de celui des sergents, ce sont aussi les deux couleurs de Cîteaux : le blanc du moine de chœur et le noir du frère convers.

 

Le dernier numéro paru (fin mars 2007) du bulletin de l'association est consacré au Fort de Campagne sur Aude. Ce fort, chargé d'histoire, a successivement appartenu au Templiers et aux Chevaliers de l'ordre de Malte.

Vous retrouverez sur le bulletin le plan qui en avait été dressé par l'Abbé Mazières dans les années 1950 ainsi que la transcription des notes et légendes figurant sur ce plan.

 

Quelques photos de l'intérieur de l'église récemment restaurée.

     

 

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